E S S A I S
E S S A I S
André Breton par lui-même, Le Surréalisme et le rêve, Création récréation, Les Libérateurs de l’amour, Le Socialisme romantique,
Georges Henein, Histoire de la philosophie occulte, Histoire de la littérature érotique, L’Erotisme au XXème siècle,
Le Doctrinal des jouissances amoureuses, La Magie sexuelle, La Sexualité de Narcisse, Les leçons de la Haute magie
André Breton par lui-même (1 9 7 1)
« André Breton a assigné lui-même pour point de départ à son évolution l’année 1913, où, âgé de dix-sept ans, commençant à Paris son P. C. N. (Physique, Chimie et sciences Naturelles) à l’instigation de sa famille, qui souhaitait le voir poursuivre ses études de médecine, il se sentit ardemment sollicité par un appel venu des lointains. Sur son enfance, il n’a laissé dans ses écrits que de rares confidences, concernant ses prédispositions à la rêverie et à la révolte.
(...) Dès ses débuts, Breton éprouvait une égale répugnance pour toutes les carrières, celle d’écrivain professionnel y comprise. Il rédigeait des poèmes dans le style des petits sonnets de Mallarmé, que lui avait fait découvrir en 1911 son professeur de rhétorique au collège Chaptal. Il était attiré par les derniers poètes de l’école symboliste, Francis Viélé-Griffin, Saint-Pol Roux, René Ghil, dont il aimait par-dessus tout la tenue, c’est à dire le souci de ne rien concéder à la facilité. Dans l’ombre qui s’épaississait autour d’eux, mais qu’ils avaient aimée et qui leur allait fort bien, je gardais une vénération, le mot n’est pas trop fort, à ces grands témoins d’une époque révolue qui s’étaient maintenus purs de toute concession et regardaient sans amertume la place dérisoire que la critique officielle leur faisait. Cependant, l’homme qui exerça le plus de fascination sur lui, à cette époque, fut Paul Valéry. Celui-ci ne possédait alors qu’une audience restreinte, et avait renoncé depuis quinze ans à écrire des vers. Breton savait par cœur des passages entiers de la Soirée avec M. Teste, et voyait dans son auteur l’intelligence la plus aiguisée de l’heure. Il sollicita de Valéry une entrevue, et fut reçu gracieusement par le poète qui, fixant sur lui, sous la paupière un peu coupante, son œil d’un très beau bleu transparent de mer retirée, lui demanda les raisons qui le portaient à se consacrer à la poésie. »
André Breton par lui-même, p. 10
André Breton par lui-même
Texte de Sarane Alexandrian
Seuil, Collection Ecrivains de toujours, 1971
André Breton par lui-même
Éditions Themelio
Traduction grecque Eleni Stephanaki
Breton segun Breton
Ediciones de Bolsillo, 1974
Traduction espagnole : Luis M. Todó
Le Surréalisme et le rêve (1 9 7 4)
Le Surréalisme et le rêve
Gallimard, 1974
L’Express n°1218, 11 novembre 1974
Photo : Julien Quideau
« Bien que les témoignages sur le rêve abondent, dans les littératures des différents peuples, ce n’est guère que depuis le milieu du XIXè siècle qu’on se fait une juste conception de la nécessité vitale de dormir et de rêver. Considérer le rêve comme un moyen de connaissance de l’homme intérieur est une idée moderne, à laquelle on trouve à grand-peine des précédents historiques. Il serait entièrement faux de croire que les surréalistes représentent simplement, dans le courant du XXè siècle, un ordre de préoccupations intimes qui, à chaque époque, a été d’une intensité égale, leurs propres résultats ne l’emportant que par la qualité. Au contraire, il était exceptionnel de faire tant de cas du rêve, d’insister sur tous les problèmes qu’il pose à la réalité ; avant eux, bien peu s’y risquèrent avec une pareille audace. Dans le florilège de Trajectoire du rêve, Breton a dressé l’inventaire des précurseurs que se reconnaissait le surréalisme : deux occultistes (Jérôme Cardan, Paracelse), trois romantiques allemands (Jean Paul, Lichtenberg, Moritz), un romantique français (Xavier Forneret), un auteur russe (Pouchkine), un naïf (le mathématicien Lucas, qui cherchait la quadrature du cercle); si l’on ajoute à cela Alfred Maury, Hervey de Saint-Denys et Freud, dont il parle par ailleurs, et quelques noms qu’il semble avoir ignoré, on a une liste exhaustive qui se limite à une vingtaine d’auteurs. Il est à première vue paradoxal que l’on ne compte pas plus de devanciers, pour tant de siècles de culture. »
Le Surréalisme et le rêve, p. 17
Création récréation (1 9 7 6)
Création récréation
Denoël, 1976
T A B L E
La sculpture en Extrême-Orient . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les bannières de Touen-Houang . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les premières cartes géographiques . . . . . . . . . . . . . .
La calligraphie en Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le noble sport de la fauconnerie . . . . . . . . . . . . . . . . .
Athanase Kircher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’équitation dans l’art . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les châteaux de Bourgogne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La place Vendôme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les chefs-d’œuvres du compagnonnage . . . . . . . . . . .
La préfabrication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La poétique de l’objet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La futurisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Techniques du surréalisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La sculpture surréaliste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’avenir du signe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ce livre regroupe des études sur l’art qui ont paru dans diverses revues, entre autres dans L’ŒIL, Connaissances des Arts et XXè siècle.
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Les libérateurs de l’amour (1 9 7 7)
Les libérateurs de l’amour
Points, 1977
« Notre époque, si l’on en croit ses témoignages et ses mythes, est obsédée par l’idée de l’émancipation des mœurs et admet volontiers que la conquête des libertés amoureuses est aussi importante que celle des libertés politiques, qu’elles peuvent même être corrélatives. Le rôle du nu dans les spectacles et la publicité, la mode qui tend toujours davantage à la compétition des sexes, les débats institués dans la presse sur les rapports des couples, la contraception, l’avortement, le roman pornographique, les perversions et divers sujets qu’escamotait naguère l’hypocrisie bourgeoise, les mouvements de l’opinion en faveur des amants victimes du puritanisme, le fait que l’on remplace de plus en plus la notion d’amour par la notion d’érotisme, tout cela correspond à la recherche d’une éthique fondée sur une compréhension élargie des problèmes de l’intimité. Cependant, on a tort d’estimer qu’un tel courant
Os Libertadores do amor
Traduction portugaise
Los libertadores del amor
Traduction espagnole
Les Libérateurs de l’amour
traduction arabe
Os libertadores do amor
Traduction portugaise
Les libérateurs de l’amour
Traduction grecque
Le Socialisme romantique (1 9 7 9)
Le Socialisme romantique
Seuil, 1979
El socialismo romántico
Traduction espagnole
« Le socialisme est une idée romantique, née, mûrie et développée dans la période où les chefs d'œuvres du romantisme littéraire ont été conçus ; ce voisinage a incité ses théoriciens et ses réalisateurs à un essor d'imagination sans précédent. Le terme de socialisme a commencé à être mis en usage par pierre Leroux en 1832, dans un article de la Revue encyclopédique. Il l'a revendiqué lui-même : "C'est moi aussi qui, le premier, me suis servi du mot de SOCIALISME. C'était un néologisme nécessaire. Je forgeai ce mot par opposition à individualisme qui commençait à avoir cours." Pierre Leroux s'abusait, on retrouve le mot socialisme chez quelques publicistes du XVIIIè siècle, comme Mallet du Pan, qui l'emploie dans ses commentaires sur la Révolution française ; mais il est vrai que Leroux l'a révélé à ses contemporains, lui a donné son sens moderne, et a déterminé ainsi avec ses rivaux le mouvement connu sous ce nom.
Puisqu'il est avéré que le socialisme a eu son point de départ authentique dans le romantisme, il est extrêmement important, pour comprendre notre société contemporaine, d'avoir une vue d'ensemble du socialisme romantique, faite dans un esprit objectif. Ce n'est pas une curiosité à lire comme une description du Moyen Age, concernant des coutumes abolies, qui n'ont plus de survivances parmi nous ; c'est une information aussi indispensable que de connaître l'enfance d'un homme pour apprécier sa personnalité d'adulte. »
Le Socialisme romantique, p. 7
Georges Henein (1 9 8 1)
Georges Henein
Seghers, 1981
« Né au Caire en 1914, mort à Paris en 1973, Georges Henein adhéra au mouvement surréaliste en 1934 et contribua, grâce à la revue et aux éditions La Part du sable, à développer une activité surréaliste en Egypte.
Son œuvre - poèmes et prose - s’est récemment enrichie d’ouvrages posthumes. Henein s’était longtemps tenu dans un silence discret mais dense « pour y puiser la force de parler un jour d’une voix intacte ». Ce jour est venu. Yves Bonnefoy décelait en son œuvre « la lucidité dévastatrice du nihilisme ». D’autant plus noire, d’autant plus éclatante. Qui a entendu la parole de Georges Henein, ne l’oubliera plus : « Je ne suis que le troubadour du silence, celui qui amplifie la gêne humaine, le poète de la grande disette, l’inutilement allusif dont on ne sait plus à quoi il se réfère. »
Georges Henein, quatrième de couverture
Histoire de la philosophie occulte (1 9 8 3)
Histoire de la philosophie occulte
Seghers, 1983
Traductions (sélection) :
Traductions (sélection) :
Histoire de la littérature érotique (1 9 8 9)
Histoire de la littérature érotique
Seghers, 1989
« À partir d’une documentation de première main - anciens manuscrits de magie, traités métaphysiques en latin, manuels de l’Inquisition, minutes de procès de sorcellerie, etc. - l’auteur fait ressentir l’apport capital de l’Occident et de la civilisation judéo-chrétienne aux croyances magiques. Il éclaire au passage bien des points obscurs et révèle à la fois le sens des orgies gnostiques et l’intérêt des recettes médicales spagyriques. Par son érudition minutieuse et ses jugements objectifs, cette œuvre offre au lecteur une boussole sûre pour se reconnaître dans le labyrinthe des doctrines mystérieuses. »
Histoire de la philosophie occulte, 4ème de couverture
« Cet essai comble une lacune importante de l’histoire littéraire, en faisant l’étude descriptive et comparative du genre érotique, tel qu’il s’est accompli de l’Antiquité à nos jours. On y trouvera des précisions nouvelles sur maints écrivains connus — Aristophane, Ovide, Boccace, l’Arétin, Rabelais, Brantôme, Sade, Sacher-Masoch, etc. —, mais aussi des révélations sur beaucoup d’autres injustement méconnus, comme les premiers libertins du XVIIè siècle. Parmi les modernes, des études capitales y sont consacrées à l’œuvre secrète de Pierre Mac Orlan, aux meilleurs romans érotiques des femmes, ainsi qu’à l’érotisme surréaliste. Une foule d’auteurs étonnants, jamais cités par les manuels universitaires, sortent de l’ombre grâce à cet ouvrage : de Nicolas Chorier, l’avocat mystificateur, à Corneille Blessebois, le «poète galérien», de l’ex-consul John Cleland au cheikh Nefzaoui, du chevalier Andrea de Nerciat, le plus grand romancier érotique français, au baladin Albert Glatigny et au militant anarchiste Alphonse Gallais. Des priapées latines, des fabliaux et des soties du Moyen Age aux comédies des théâtres clandestins du XVIIIè siècle ou aux pamphlets les plus orduriers de la Révolution française, toute la littérature extrémiste des « enfers » est ici analysée et classée objectivement. »
Histoire de la littérature érotique, 4ème de couverture
L’Erotisme au XIXè siècle (1 9 9 3)
L’Erotisme au XIXè siécle
J. C. Lattès, 1993
« Ce volume, ordonné et présenté par Alexandrian, réunit les sept meilleurs romans érotiques du XIXè siècle. C’est non sans amusement qu’on y découvrira les deux premiers romans érotiques qu’aient écrits des femmes, Julie ou j’ai sauvé ma rose de la comtesse de Choiseul-Meuse et le Roman de Violette que l’on publia comme un inédit d’Alexandre Dumas alors qu’il était de la non-conformiste marquise de Mannoury d’Ectot.
L’Enfant du bordel du fécond Pigault-Lebrun, Gamiani du romantique Alfred de Musset, Un été à la campagne du brillant chroniqueur Gustave Droz, la Perle que l’auteur attribue à Roger de Beauvoir, ou la Canonisation de Jeanne d’Arc d’Adolphe Belot seront eux aussi, pour la plupart des lecteurs, de véritables découvertes. Osés, aventureux, libres mais dignes d’enthousiasmer les amateurs les plus cultivés, ils représentent de véritables classique de notre littérature. »
L’Erotisme au XIXè siècle, 4ème de couverture
Le Doctrinal des jouissances amoureuses (1 9 9 7)
Le Doctrinal des jouissances amoureuses
Filipacchi, 1997
« Ce livre est l’aboutissement à long terme d’un projet que j’ai formé à dix-huit ans, en escomptant d’avance qu’il me faudrait des années de recherches historiques, d’observations directes, voire d’expérimentations personnelles pour le réaliser, et qu’il n’aurait de valeur qu’en étant une œuvre de l’âge mûr : écrire un grand traité d’érotologie moderne correspondant à l’éthique nouvelle réclamée par les esprits libres. Je dis bien érotologie et non pas sexologie, car il y a là une différence essentielle, définie d’ailleurs par l’étymologie de ces mots.
C’est vers 1930 que l’on commença à employer le terme de sexologie, dont n’avaient pas fait usage ceux que l’on reconnaissait pour ses principaux initiateurs : Havelock Ellis, Freud et Gregorio Marañon. (...) L’érotologie, beaucoup plus ancienne que la sexologie, enseigne comment les êtres peuvent exercer leur fonction génitale de manière à se procurer un complet épanouissement. C’est une méthode universelle des rapports sexuels, méthode empirique, naturelle, qui n’a pas un but thérapeutique comme la sexologie, mais qui vise à établir les moyens du bonheur à deux par la mise en jeu allègre de la sexualité. Ovide, dans l’Art d’aimer, a créé le modèle du genre pour tout l’occident, comme en témoignent les imitations qui en ont été faites au Moyen Age et à la Renaissance, parmi lesquels le Tractatus amoris d’André le Chapelain au XIIè siècle, bréviaire de l’érotisme des troubadours. »
Le Doctrinal des jouissances amoureuses, p. 7
La Magie sexuelle (2 0 0 0)
La Magie sexuelle
La Musardine, 2000
« Les lecteurs de mon Histoire de la littérature érotique et de mon récent traité de la nouvelle érotologie, Le Doctrinal des jouissances amoureuses, se doutent déjà que je ne vais pas faire ici un ouvrage de pure fantaisie sur le sexe, sans références historiques et scientifiques incontestables ; et ceux de mon Histoire de la philosophie occulte savent que j’y ai étudié en détail les écoles de la Gnose et de la Kabbale, et approfondi la «Haute Magie» à travers les nombreux maîtres qui l’ont professée, médecins, philosophes ou théologiens, en n’accordant jamais aucun crédit aux théories fumeuses de certains illuminés et aux élucubrations des charlatans. C’est le même esprit qui animera d’un bout à l’autre cet essai.
Il faut distinguer deux formes de magie sexuelle, la forme ethnique et la forme métaphysique. La première, la plus populaire, est l’ensemble des procédés insolites usités par les peuples pour favoriser leur vie privée. Ce sont des rites, des formules incantatoires, des préparations alimentaires, permettant d’être aimé de quelqu’un qui ne vous aime pas, de guérir l’impuissance masculine ou la frigidité féminine, de déterminer à volonté le sexe de l’enfant que l’on veut procréer.
La seconde, supérieure et même élitiste, transmise par les philosophes et dépendant de ce qu’ils appellent « l’Art royal », est l’action d’assumer pleinement sa sexualité, de la dominer et de la diriger de façon à obtenir l’épanouissement de sa personnalité. En ce domaine on voit des ascètes se servir du sexe pour se procurer des illuminations et des extases sacrées, accroître leurs pouvoirs psychiques. »
La Magie sexuelle, p.7
Traductions (sélection) :
La Sexualité de Narcisse (2 0 0 3)
La sexualité de Narcisse
Le jardin des livres, 2003
Les Leçons de la Haute Magie (2 0 1 2)
Les Leçons de la Haute Magie
Préface de Christophe Dauphin
Couverture de Madeleine Novarina
Rafael de Surtis, 2012
Histoire de la littérature érotique (réédition)
Petite bibliothèque Payot, 1995
« Après avoir publié récemment deux ouvrages sur la sexualité, Le Doctrinal des jouissances amoureuses, et La Magie sexuelle, j’ai été surpris de constater le vif intérêt qu’ont suscités mes chapitres sur « l’autoérotisme » (dans l’un) et sur « la magie autosexuelle » dans l’autre, analysant les motivations psychologiques et les méthodes de la masturbation, en démontrant qu’elles sont parfaitement légitimes, ne déshonorent pas l’âtre humain et ne l’amènent pas irrésistiblement à s’abêtir. Il semble que, malgré les progrès de la médecine et la permissivité de la morale, beaucoup d’esprits entretiennent encore à cet égard une culpabilité due à d’anciens tabous enfouis dans l’inconscient collectif et que justifient seulement des considérations périmées. C’est pourquoi on m’a engagé d’écrire un traité du plaisir solitaire, précisant ce que j’avais déjà révélé sur ce sujet.
Il convient avant tout de faire la distinction entre onanisme et masturbation, distinction capitale puisque c’est à cause d’elle qu’on s’est figuré que la masturbation était un péché condamné par la Bible, qui n’en parle pas. Dans Le Lévitique, où Moïse énumère toutes les causes d’impureté, et toutes les pénitences
Publiées à titre posthume, Les Leçons de la Haute Magie appartiennent à un cycle d’œuvres inédites, que l’auteur a regroupé sous le titre général d’ Idées pour un art de vivre.
« J’ai cessé de croire à l’existence de l’âme immortelle dès que j’ai appris quelle était son occupation dans l’au-delà durant l’éternité, d’après la doctrine judéo-chrétienne : chanter des hymnes devant le trône du Seigneur. Cette perspective est d’un effroyable ennui ! C’était déjà le plaisir que Joas vantait à Athalie : « chanter de Dieu les grandeurs infinies » et « voir l’ordre pompeux de ses cérémonies ». Mais j’ai reconsidéré mon opinion lorsque j’ai étudié la philosophie occulte, qui a une conception de l’âme beaucoup plus vraisemblable, persuasive et même stimulante. »
Les Leçons de la Haute Magie, p. 18
L’Evolution de Ghérasim Luca à Paris (2 0 0 6)
de pensée est redevable aux conditions nouvelles de la vie et signifie une mutation dans les échanges quotidiens des êtres; il ne fait que répéter, souvent en les affaiblissant, des courants existants déjà aux siècles précédents, et manifester sous une forme différente la permanence de tendances remontant au Moyen Age. Ceux qui soutiennent aujourd’hui la révolution sexuelle ont eu des précurseurs tellement audacieux qu’il est apparemment difficile de les surpasser ; si l’on connaissait mieux ces briseurs de chaînes, on se représenterait plus clairement que les excès de nos contemporains en ce domaine ne sont pas les signes d’une décadence, mais les suites d’une évolution progressive et légitime. »
Les Libérateurs de l’amour, p. 7
nécessaires pour s’en purifier, il y a des articles punissant la sodomie, le coït avec une femme ayant ses règles ou avec un animal, mais on ne trouve pas d’interdit de se masturber. La seule allusion, dans la Genèse, se rapporte à Onan, un des trois fils de Juda. Son frère aîné Her étant mort sans enfants, son père Juda lui ordonna de coucher avec sa belle-sœur Thamar pour lui faire tout au moins un garçon qui s’appellerait aussi Her. Mais Onan, révolté de cette exigence le réduisant à n’être que le substitut d’un autre, au moment de ses rapports sexuels avec Thamar se retirait à l’approche de l’éjaculation et versait sa semence à terre. «Le péché d’Onan», dont on a tant parlé à tort ou à raison, ce n’était pas de se masturber mais de pratiquer le coït interrompu afin de ne pas engrosser Thamar. Par un étrange abus d’interprétation et une erreur persistante, on a appelé onanisme le plaisir qu’on prend en l’absence de tout partenaire qui le fait naître et le stimule. »
La Sexualité de Narcisse, p. 5
L’Evolution de Gherasim Luca à Paris
Texte français - roumain
Editions Vinea & Icare, 2006
« Pendant ses dix premières années à Paris, l’activité de Ghérasim Luca resta mystérieuse. En 1958, cinq ans après «Héros-limite», il publia un poème en prose de huit pages, «Le Château pressenti», avec un frontispice dessiné par Brauner. C’était deux doubles feuilles imprimées à compte d’auteur, ressemblant à ses publications de l’Infra-Noir à Bucarest. Il ne commença à être remarqué que lorsqu’il se décida à réciter ses poèmes en public, en 1963, à la galerie Raymond Cordier, lors de l’exposition Clovis Trouille dont il aimait les tableaux. Le galeriste avait invité des amateurs, parmi lesquels Robert Lebel, le meilleur ami de Marcel Duchamp, à écouter des enregistrements de Luca en sa présence. Tandis que sa voix sortait d’un haut-parleur au plafond, Luca, le visage congestionné, les yeux fermés, appuya son front contre un pilier et se figea dans une attitude d’angoisse. Quand ce fut terminé, il y eut un long moment de silence ; je fus le premier à
applaudir, suivi par les autres, tandis que Luca était de plus en plus rouge et confus.
La fois suivante, dans l’arrière-salle d’un café, nous fûmes invités à l’audition du poème «La Question» de Luca, pendant que Gilles Ehrmann projetait sur un écran, comme pour l’illustrer, ses photos des vagues de la mer. Dans les ténèbres, la voix de Luca provenait d’un magnétophone sur une table ; quand elle s’interrompit, ce fut le silence complet jusqu’à ce que je me mette à applaudir. Dans tous les récitals de Ghérasim Luca auxquels j’ai assisté, la réaction a été la même : il y avait un silence de stupeur durant quelques secondes. Les auditeurs, abasourdis de ce qu’ils venaient d’entendre, ne savaient pas comment réagir. Et soudain quelqu’un applaudissait en criant bravo - c’était moi ! - et les applaudissements devenaient alors unanimes. »
Ghérasim Luca, p. 18
Ditia bordelia,
traduction russe, 1994
Georges Henein (1914 - 1973)